Rédacteurs : Jean-Loup Amselle, Françoise Blum, Saïd Bouamama, Nidhal Chamekh, Abdelkader Damani, Jonathas de Andrade, Pierre-Philippe Fraiture, Marcia Kure, Joseph Tonda, Kwasi Wiredu, Arnaud Zohou Le titre de ce second numéro autour de l'Afrique semble proposer une lecture plus politique et prospective de notre sujet, par rapport au premier qui serait davantage historique et philosophique. Ne nous y trompons pas. Dans les deux livraisons, ces éléments s'imbriquent. Et leur parution simultanée indique notre volonté de tisser ces différentes dimensions.
Penser puis Prévoir avec l'Afrique sont aussi nés du constat de la mé-reconnaissance des influences mutuelles entre la France et l'Afrique, autant dans les champs du savoir que du pouvoir : proportion ridicule d'intellectuels venus du continent dans des postes universitaires de la métropole ; enseignement tardif, partial et a minima de l'histoire coloniale et postcoloniale, rareté des publications de travaux théoriques francophones issues des anciennes colonies, sans parler des traductions abordant ces questions.
Aimé Césaire, dans sa lettre de démission du parti communiste en 1956, soulignait la révolution copernicienne qu'il y aurait à faire dans les mentalités hexagonales empreintes de préjugés raciaux, de l'extrême droite à l'extrême gauche.
Soulignant ainsi, pour cette dernière notamment, l'efficacité redoutable quoiqu'implicite de l'idéologie dominante, touchant de plein fouet les partisans et intellectuels les plus engagés, rarement enclins à rafraîchir leurs ambitions émancipatrices aux expériences et conceptions révolutionnaires africaines, qui généralement ne les intéressent pas.
Ce n'est donc pas anodin si, en France, les questions africaines ont longtemps été traitées dans une cellule à l'Élysée et non au parlement, privant la population et le débat démocratique d'un pan pourtant décisif d'une réalité qui structure depuis de longues années la société française. Car oui, on ne peut rien comprendre à la politique française sans avoir un minimum de connaissance de sa politique africaine, ne serait-ce que par le fait de son financement substantiel par les réseaux africains.
Certes il y eut Fanon, plébiscité par Sartre, et d'autres exemples de mise en valeur ponctuelle d'itinéraires politiques ou exotiques, mais le fond n'est pas là. Il est dans un ostracisme culturel profondément ancré dans l'histoire et le caractère de notre pays, avec pour conséquence aujourd'hui sa lente implosion dans un vaste déni.