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Le Temps Qu'Il Fait
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La vie sous les bombardements
Ibrahim Khashan
- Le Temps Qu'Il Fait
- Litterature
- 6 Septembre 2024
- 9782868537218
Au lendemain du massacre du 7 octobre et dès les premiers jours d'une riposte impitoyable dans la bande de Gaza, Ibrahim Kashan, infatigable militant pour la paix et la justice en Palestine et dans monde, commence à écrire de brefs et puissants récits de vie sous le feu de l'armée israélienne. Ces courtes chroniques nous peignent sans emphase ni misérabilisme le quotidien tragique du peuple gazaoui. Pour autant, elles ne sont pas exemptes d'une certaine poésie, car l'homme, au-delà de ses engagements, est écrivain, poète et conteur. [...]
Sans doute Ibrahim Khashan sait-il qu'il incombe aux écrivains de rédiger l'histoire qui manque cruelle- ment à son pays ; sans doute pense-t-il, avec Silvia Moresi, que « la littérature est la seule histoire possible de la Palestine ». On peut se réjouir qu'ainsi c'est une histoire moins officielle, plus diverse et complexe, qui se constituera. -
«Nous sommes moins seuls que nous l'imaginons. Nous sommes si peu seuls qu'un des vrais problèmes de cette vie est de trouver notre place dans les présences environnantes - écarter les morts sans les froisser, demander aux vivants ce rien de solitude nécessaire pour respirer. Dans la logique du monde, on ne peut faire sa place sans aussitôt prendre la place d'un autre. Mais on ne fait pas plus sa place qu'on ne fait sa vie : on trouve l'une et l'autre, et le sentiment de cette trouvaille inespérée c'est la joie même.»
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Quelque chose avant sa venue le pressent.
Quelque chose après sa venue se souvient de lui. La beauté sur la terre est ce quelque chose. La beauté du visible est faite de l'invisible tremblement des atomes déplacés par son corps en marche.
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Les histoires que conte Pascal Commère lui sont inspirées par les humbles vies - bêtes et hommes -, les existences perdues attachées à la terre que sa mémoire a enregistrées depuis l'enfance ou rencontrées dans son âge d'homme. Et c'est dans le remâchement de l'écriture qu'elle prennent forme et même, réellement, vie depuis ses «forêts intérieures», puisque aux forêts il revient toujours pour retrouver «cette vieille odeur d'humus qui de si loin remonte ».
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Les Sonnets de la tristesse sont une sorte de journal des visites que le poète a rendues à sa mère très âgée dans une maison de retraite où il a vu sa vie s'amenuiser et sombrer avec une infinie lenteur. Des observations, des réflexions presque détachées, des souvenirs mornes ou banals sont la matière de
ces textes qui interrogent le quotidien avec une calme inquiétude.
Discrétion et sobriété sont également les qualités des Onze propositions pour une vertige qui évoquent la figure d'un ami poète jamais nommé : « Chez un être privé de tous es souvenirs, / il n'y a plus de lieu pour un refuge. » L'élan lyrique demeure réservé et sans effets dans la brève suite (L'amour est comme le sol) qui clôt le livre et célèbre l'enfance. -
L'auteur nous a subjugués, envoûtés, et, au vrai, je le dis sans goût pour les paradoxes faciles, c'est peu de huit cents pages pour parvenir à un tel résultat. D'autres n'y seraient pas parvenus en trois mille, et beaucoup par leur oeuvre entier. Jean Douassot a découvert une planète que nous pensions connaître : le monde du sexe et de l'organique, ou le monde réduit à ses soubassements sexuels et organiques, alors que nous en ignorions la mystérieuse topographie.
Pour dresser celle-ci il fallait sans doute un géographe, il fallait surtout un poète pour conduire le géographe. L'auteur s'est laissé mener par l'enfant qu'il a sans doute été et c'est pourquoi La Gana baigne tout entière dans cette poésie cruelle et violente qui est celle de l'enfance aux prises avec des mystères trop grands pour elle. Cette poésie transforme le sordide en objet d'art. Elle permet de substituer au dégoût ou à l'apitoiement facile la révolte. Elle entraîne un ouvrage qui aurait pu n'être que remarquable, et en marge, dans les grandes eaux d'une littérature qui aide à vivre.
Maurice Nadeau.
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« Je savais bien deux choses pour les avoir vues moi-même, je savais les fleurs et les étoiles. J'avais pris un pot de géranium et planté les fleurs dans la terre et les racines vers le haut. Mais lui s'était tordu la tête comme quelqu'un qui se bat et était remonté par- dessus ses racines.
« Les fleurs remontent vers les étoiles parce que les étoiles leur donnent à boire. On voit les étoiles dans les puits, mais au contraire les étoiles sont des puits et la pluie et la rosée tombent de là. » Dans ce premier roman (1935) Luc Dietrich revit les vicissitudes de son enfance jusqu'à la mort de sa mère. Ses images dures, alliées à une sensibilité toute tendue vers le déta- chement, enthousiasmèrent la critique qui vit là davantage qu'un roman : une sorte de quête de soi, entre douleur et limpidité, la confession candide et cruelle d'un être qui n'a jamais guéri de son enfance - « une somme de pensée et de science enfantines », comme a pu dire Lanza del Vasto.
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«Qu'est-ce que je cherche si ce n'est une conscience élargie ? Cet éternel rebond de vivre qu'il faut gagner sur l'effacement, sur l'émiettement, ces cailloux qu'il faut lancer à tant d'orties. Je cherche une surnature, un chevauchement des formes pour quitter les pétrifications mentales, les congères sociales, le défilé de mode des idées. Je crois trouver à ces riens, à ces bricolages un peu saugrenus à partir d'objets souvent élémentaires, une poétique des choses et de leurs relations qui délivre des emprises et conjugaisons trop déclinées.» Voici l'un des livres de Patrick Cloux qui aura touché bien des lecteurs. Paru d'abord il y a tout juste trente ans, un peu en avance sur son temps, il rencontra des amoureux de la marche autant que des amateurs d'« objets de nature».
Conçu dans la mouvance des peintres et des poètes du Land Art, ce traité d'émerveillement ne pèse rien dans un sac à dos. Il célèbre les formes naturelles et les oeuvres de fortune que la liberté vive des chemins nous distribue en abondance. -
Je suis né dans un monde qui commençait à ne plus vouloir entendre parler de la mort, et qui est aujourd'hui parvenu à, ses fins, sans comprendre qu'il s'est du coup condamné à ne plus entendre parler de la grâce.
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Que ce soit l'autobus, le métro, les trains, le tramway ou les taxis, l'auteur de ces pages ne se refuse aucun moyen pour être transporté vers l'Égypte et les Égyptiens qu'il aime, et fréquente à la façon d'un touriste du réel quotidien, ouvert à l'inattendu des rencontres plutôt qu'au pittoresque ou à l'exotique. Dans les encombrements, dans «les soubresauts et les cahots», il a fait siennes les vertus du «petit peuple» cairote qu'il admire : l'humour et le détachement. Dans l'écriture, il y ajoute l'élégance et une indéfinissable tendresse.
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Les contes bleus du vin ; un rêve en Lotharingie
Jean-Claude Pirotte
- Le Temps Qu'Il Fait
- Corps Neuf
- 6 Juin 2011
- 9782868535566
Un rêve en Lotharingie et Les contes bleus du Vin sont les carnets d'un observateur passionné, une poésie de journal intime, les éphémérides d'un coeur pérégrin qui aime à s'égarer sur des territoires en retrait des sentiers achalandés, vers des coins secrets non référencés par les offices de tourisme :
« Les pays les plus mal aimés sont les plus chers à mon âme. » Signe distinctif de toute grande poésie, il existe un « univers Pirotte », tout un monde de diversités inattendues, majestueuses drèves et secrètes tortilles, solennités héroïques et veines populaires, alluvions mythiques... une constante vigilance de l'esprit et du coeur, un univers où les frontières entre le réel et l'imaginaire, entre le rêve et la vie, s'estompent et disparaissent.
Gérard Oberlé.
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Armand Robin (1912-1961) a passé une grande partie de sa vie à l'écoute des radios étrangères, et notamment des services de propagande soviétiques.
Il a rendu compte de ses écoutes dans un bulletin bihebdomadaire réservé à un petit nombre d'abonnés, journaux, institutions et organismes dont la liste est, aujourd'hui encore, bien difficile à établir. La fausse parole est le journal d'un journal, la chronique de cette activité poursuivie jusqu'à l'épuisement, parallèlement à cette activité poétique non moins déroutante que Robin appelait non-traduction.
Propagandes en tous genres, mécanique du mensonge, guerre psychologique sont implacablement dénoncées. Dénoncées par un poète qui sait ce que parler veut dire et qui réinvente, dans une langue connue de lui seul, le vrai usage de la parole : la présentation de ce texte, paru aux éditions de Minuit en 1953, est toujours actuelle.
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Dans ce roman très singulier, Julie Nakache entremêle à une histoire personnelle - celle d'une grand- mère «enchaînée à la famille et à la loi des hommes» dans l'Algérie coloniale - l'histoire de la Mar- quise de Brinvilliers, au centre de l'«affaire des poisons», qui secoua la cour de Louis XIV. Elle trouve ainsi, entre le récit familial et le récit historique, des échos nombreux et constants qui annulent les considérables différences d'époque, de pays, de milieu. C'est que la condition des femmes n'a guère changé en trois siècles. Et ce n'est pas sans effroi qu'on constate que les deux figures de femmes libres que nous propose ce livre répondent à la violence par la mort.
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Dickens publia longtemps, chaque année, dans le magazine qu'il dirigeait, un conte de Noël, pour resserrer plus étroitement, comme en famille, le lien qu'il avait su nouer avec ses innombrables fidèles.
L'Embranchement de Mugby est l'un des tout derniers, et le dernier qu'il ait écrit seul, trois ans avant sa mort. Sa vie intime, alors, n'était pas transparente ni sa conscience tout à fait en repos. Peut-être est-ce pour cela que des accents si graves préludent ici aux fêtes du coeur et de l'humour attendri, puis les accompagnent en sourdine jusqu'au dénouement heureux d'une moralité tissée de sourires et de larmes.
Elle montre à sa manière que l'on guérit de soi en découvrant les autres, et aussi que l'on est comblé par le pardon que l'on accorde. Simples évidences, mais portées à l'incandescence par le génie. P. L.
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Philoctète, ayant franchi l'enceinte d'un clos sacré, a été atteint d'une blessure purulente qui, désormais, le fait hurler et troubler les sacrifices ; après quoi il a été abandonné par ses compagnons d'armes sur une île déserte où il languit depuis de longues années.
Mais voici qu'il est requis maintenant par l'oracle pour conquérir Troie avec Néoptolème, fils d'Achille. Pardonnera-t-il l'impardonnable en échange de la guérison et de la gloire promises ou restera-t-il inséparable de sa rancoeur et, par là-même, de son mal ? Néoptolème, chargé de circonvenir Philoctète par des discours trompeurs, ira-t-il au bout de sa traîtrise ? Ou bien sa jeune droiture se révoltera-t-elle contre le rôle qu'on lui fait jouer et, au mépris de la raison d'État comme des lauriers que lui vaudrait plus de souplesse, prendra-t-il le parti du héros souffrant, deux fois trahi, qui lui fait confiance ? La tragédie se déroule toute dans le coeur de ces deux hommes et met en jeu des sentiments qui semblent bien être de tous les temps...
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Un enfant mène en solitaire une existence décalée, dans l'ombre des grands chevaux et le souffle de leurs naseaux sur la paille. Entre une mère bientôt endeuillée, un frère qui lance des cailloux dans les vitres, et un père qui, peu après, se tuera à l'entraînement, il laisse s'installer en lui cette lente fascination qui le conduira à devenir lui-même jockey. En parallèle, avec un bout de crayon, sur des bons de commande ou de vieux catalogues, l'enfant confie sa détresse à la présence bienveillante des chevaux. Ainsi, et comme on apprend à se tenir en selle, se fait ce long apprentissage de l'écriture qui lui permettra un jour de tracer la première phrase de la lettre qu'il adressera à Monsieur le Comte et qui décidera de sa vocation.
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« Mais c'est tout éveillé qu'il nous faudrait craquer comme la graine crie et se fend, jaillir au-dessus des insectes, des épis, des grands arbres, des grands rocs, des grands nuages oublieux, de la nuit froide et creuse sous qui les astres pendent, enfoncer la croûte du ciel et marcher dans les chemins où nous rencontrerons nos fruits. » L'Apprentissage de la ville reprend en 1942 la confession entamée sept ans plus tôt avec Le Bonheur des tristes. Au-delà de l'amertume et du sarcasme qui le caractérisent, ce «roman» comporte une profonde valeur de témoignage, dénonçant l'aveuglement et la veulerie de la société chavirée au sortir de la guerre, incapable de s'éveiller et de regar- der dans son propre tumulte. « La sincérité d'un aveu ne vaut que s'il en coûte à celui qui avoue. Ce livre force les profondeurs et les recoins les plus difficiles de l'aveu et constitue un document humain d'inestimable prix », écrit à son propos Lanza del Vasto.
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Solstice d'été, sur le versant nord de la Terre, en Bretagne, au coeur de l'archipel des Glénan, dans un vieux fort occupé par l'école de voile. Au fond d'une casemate glacée, quelqu'un veille, attendant qu'on lui prête un bateau, pour mener une enquête sur une île voisine. Vastes jours, où se tisse un réseau d'images furtives qui vont donner à l'aventure un tour inattendu.
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Voici l'histoire touchante d'un écrivain rendant justice à son père qui, pris dans les mouvements contraires de l'histoire, des années trente à la Guerre qui le conduira en captivité, fut empêché de le devenir, en dépit d'une solide vocation et d'un travail certain. Le fils publie ici le roman demeuré inédit de son père, avec lequel il dialogue par échos, souvenirs, réflexions tout en se tenant à bonne distance du commentaire critique. Il mêle sa voix claire à celle un peu désuète du roman qu'il sauve de l'oubli, il entraîne le lecteur du récit de fiction au récit de filiation et, loin de se cantonner à une exercice purement littéraire, il accomplit un geste d'amour et de reconnaissance.
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L'effondrement de la société rurale a conditionné chez certains enfants de paysans, témoins de cette mutation brutale des années 1960, la fin d'une confiance dans les rythmes lents d'un monde profondément accordé à la nature. Né dans une famille paysanne du nord Finistère, Daniel Morvan a vécu les arrachements et les exils propres à cette modernité, porteuse de catastrophe sociale et environnementale :
Exode d'un terroir à l'autre, encasernement par l'internat et rencontre de la culture urbaine, promotion de l'enfant boursier jusqu'aux bancs de l'École normale supérieure... C'est la confrontation entre les émotions de l'enfance et les révolutions d'un nouvel ordre économique qu'il décrit dans ce vaste poème en forme d'arche. Quitter la terre croise des approches diverses, prose, document, complainte de l'exil, catalogue de sons et biographèmes. Dans une écriture de gravité constante mais non sans humour, l'auteur définit le refus du productivisme comme constitutif de sa vie propre. Ce refus, ce scepticisme hérité de son père, le poursuit dans les tumultes intimes de l'arrachement à la terre, de la mélancolie urbaine, des errances et des choix de vie. Quelle affirmation trouver dans ces pages où court l'écho des colères paysannes ? Traversant les périls mortels de la terre, la poésie est-elle encore soeur des chants d'oiseaux ? -
De la Lorraine à l'Aquitaine, de la Bretagne aux confins des Alpes, de la Somme à la Corse, rôde une armée de fantômes. Dans chacune des 36 000 communes de France, les actes de bravoure ou les chagrins enregistrés dans la pierre sont aujourd'hui les stigmates intimes et les vestiges publics de cette guerre effroyable. Le monument fait entrer la guerre dans la paix : dans chaque village s'est installée une religion civique, le culte de la Nation allant de pair avec la mise en scène du roman national, reliant les Gaulois, les soldats de 1792 aux poilus de 14-18. Pour une fois il réunit le front et l'arrière, les soldats et leurs proches, toutes sortes de modèles permettant d'expérimenter ici le souci du réalisme et là l'onirisme le plus fantastique. Tous les soldats de l'armée morte, eux, ne sont même pas là, près des leurs. Leurs proches n'ont pas pu venir pleurer sur leur tombe, fleurir leur souvenir. Parmi eux, plusieurs centaines de milliers - leur nombre total même est incertain - de soldats sont restés inconnus, méconnaissables, non identifiés, disparus, âmes errantes... Des morts qui n'en finissent pas de mourir pour ainsi dire, au terme d'une guerre qui a inventé non seulement la mort industrielle mais la destruction même des morts au fur et à mesure de la guerre de position, des attaques et des contre-attaques sur le même terrain...
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« Dans l'infinité des sons qui constituent une large part de notre expérience sensorielle et sensible : la voix.
La première que nous percevons n'est-elle pas, in utero, celle de notre mère ? Première expérience sonore, première perception du bruit du monde et d'une altérité. Voix première entendue, écoutée. Tatouée en nous à jamais.
D'autres nous parviennent ensuite. Innombrables. Confuses, précises, proches, lointaines, aimées, redoutées, rassurantes, hostiles. Voix fugitives, entr'entendues, ou présentes à jamais. Voix d'enfance, voix rêvées aussi. Instant ou persistance. Offrande furtive d'une rencontre entre le monde et nous, trace d'une intersection entre autrui et nous-même.
Difficile d'exister sans voix. Qui ne dit mot consent. À tout, au pire, à l'inacceptable. Le silence nous fait victime, ou complice. Notre voix, invisible, impalpable. Signe de présence au monde, signe d'un possible vers autrui. »
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Mariant la sensibilité la plus fine aux traces documentaires les plus brutes, Martine Sonnet croise mémoire collective et souvenirs familiaux dans un hommage à toute une génération d'ouvriers, celle de son père, artisan campagnard précipité dans la classe ouvrière par son embauche chez Renault à Billancourt dans les années 1950. Aux forges, atelier 62, réputé le plus dur de la Régie, le charron-forgeron-tonnelier normand asservit sa carrure et sa puissance à l'industrie automobile triomphante.