Un mois avec les éditions Zones
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Au-delà des théories classiques dont il retrace l'histoire en remontant à Platon ou à Vitruve, cet essai novateur propose une philosophie politique - et non pas simplement esthétique ou symbolique - de l'architecture.
Partant du constat que la Révolution française s'est déroulée dans des rues et sur des places qui avaient été construites moins d'un siècle auparavant, et que les masses révolutionnaires n'auraient pas pu se rassembler si ces nouveaux espaces publics n'avaient pas existé, il s'interroge sur les conditions architecturales de la démocratie : quels types d'espaces rendent possibles ou impossibles certains types d'actes ou d'événements ? Où l'on apprend que le cours de l'histoire dépend de la construction de l'espace...
Là où Michel Foucault avait étudié l'architecture en tant que technologie de pouvoir, Ludger Schwarte tente de cerner son rôle dans les mouvements d'émancipation. Si l'on conçoit les espaces publics comme des théâtres de l'action collective, alors la question est de savoir si leur configuration permet des interactions événementielles, des expérimentations créatrices. En ce sens, tout espace public authentique est fondamentalement anarchique.
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Technoféodalisme ; critique de l'économie numérique
Cédric Durand
- Zones
- 17 Septembre 2020
- 9782355221156
Au début des années 2020, le consensus de la Silicon Valley se délite. Inégalités folles, stagnation de la productivité, instabilité endémique... la nouvelle économie n'est pas advenue. Les algorithmes sont omniprésents, mais ce n'est pas pour autant que le capitalisme s'est civilisé. Au contraire.
La thèse de ce livre est qu'avec la digitalisation du monde se produit une grande régression. Retour des monopoles, dépendance des sujets aux plateformes, brouillage de la distinction entre l'économique et le politique : les mutations à l'oeuvre transforment la qualité des processus sociaux et donnent une actualité nouvelle au féodalisme. L'ouvrage commence par proposer une généalogie du consensus de la Silicon Valley et met en évidence les cinq paradoxes qui le minent.
La thèse centrale est ensuite déroulée, rythmée par des développements sur les GAFA, les chaînes globales de valeur ou encore le système de crédit social chinois. Les grandes ?rmes se disputent le cyberspace pour prendre le contrôle sur des sources de données. Les sujets sont attachés à la glèbe numérique. Dans l'ordre économique qui émerge, les capitaux délaissent la production pour se concentrer sur la prédation. -
Aujourd'hui encore, malgré les enseignements de l'Histoire, certaines vies comptent si peu que l'on peut tirer dans le dos d'un adolescent tout en prétendant qu'il était agressif, armé et menaçant. Du jiu-jitsu des suffragettes aux pratiques insurrectionnelles du ghetto de Varsovie, des fusils des Black Panthers aux patrouilles queer, Elsa Dorlin retrace une généalogie philosophique de l'autodéfense politique.
En 1685, le Code noir défendait aux esclaves de porter aucune arme offensive ni de gros bâtons sous peine de fouet. Au XIXe siècle, en Algérie, l'État colonial interdisait les armes aux indigènes, tout en accordant aux colons le droit de s'armer. Aujourd'hui, certaines vies comptent si peu que l'on peut tirer dans le dos d'un adolescent noir au prétexte qu'il était menaçant .
Une ligne de partage oppose historiquement les corps dignes d'être défendus à ceux qui, désarmés ou rendus indéfendables, sont laissés sans défense. Ce désarmement organisé des subalternes pose directement, pour tout élan de libération, la question du recours à la violence pour sa propre défense.
Des résistances esclaves au ju-jitsu des suffragistes, de l'insurrection du ghetto de Varsovie aux Black Panthers ou aux patrouilles queer, Elsa Dorlin retrace une généalogie de l'autodéfense politique. Sous l'histoire officielle de la légitime défense affleurent des éthiques martiales de soi , pratiques ensevelies où le fait de se défendre en attaquant apparaît comme la condition de possibilité de sa survie comme de son devenir politique. Cette histoire de la violence éclaire la définition même de la subjectivité moderne, telle qu'elle est pensée dans et par les politiques de sécurité contemporaines, et implique une relecture critique de la philosophie politique, où Hobbes et Locke côtoient Frantz Fanon, Michel Foucault, Malcolm X, June Jordan ou Judith Butler.
Prix Frantz Fanon 2018 (Caribbean Philosophical Association) Prix de l'Ecrit Social 2019 -
Les aménagements urbains pour les Jeux olympiques 2024 ont suscité de vives résistances, notamment à Saint-Denis et Aubervilliers, au nord de Paris. Mais, au-delà des JO, c'est un immense projet de renouvellement urbain qui se profile avec le Grand Paris d'ici 2030. Dans les banlieues populaires, de nombreuses habitantes et habitants sont expulsés, expropriés de leur maison, relogés dans un autre logement social et doivent laisser place aux 68 futures gares du nouveau réseau de transport du Grand Paris Express.
Autour de chacune de ces gares, de grands projets urbains prévoient la démolition de milliers de logements sociaux, reconstruits plus loin, plus chers, tandis que les prix immobiliers augmentent rapidement dans le parc privé. En décalage complet avec les besoins des classes populaires qui se paupérisent depuis des décennies, la Métropole du Grand Paris se construit pour tenir son rang dans la concurrence internationale, en rentabilisant le sol urbain et en cherchant à attirer de nouveaux investisseurs. À partir d'une enquête de terrain menée autour des futures gares de huit communes de proche couronne, ce livre raconte l'histoire vue par les perdants de cette opération. -
Les chaînes sans fin : histoire illustrée du tapis roulant
Yves Pagès
- Zones
- 24 Août 2023
- 9782355222122
Parmi les machines qui hantent nos vies quotidiennes, le tapis roulant est celle qui traverse le plus insidieusement tous les secteurs d'activité : des tapis mobiles sur chaîne d'assemblage aux tapis de caisse de la moindre supérette en passant par ceux dévolus à l'exercice corporel du fitness. Travail posté, rituel consumériste et souci hygiénique de soi : trois postures qui, chacune à sa manière, nous condamnent à l'éternel recommencement d'une marche forcée.
Cet essai veut en retracer la généalogie, plus sinueuse et méconnue qu'il n'y paraît. Sans s'attarder sur les grues à tympan de l'Antiquité romaine, on passe en revue bien des appareils oubliés - le moulin disciplinaire des prisons de l'ère victorienne, le manège à plan incliné des agriculteurs du XIXe siècle ou le trottoir mouvant de l'Exposition universelle de 1900 - avant d'aborder les usages plus récents de cet outil crucial du management fordien, de la consommation de masse et du test d'effort cardiovasculaire.
Au fil de cette enquête, toutes sortes de matériaux historiques sont mis à contribution : des brevets d'obscurs inventeurs aux running gags du cinéma muet.
Et, à l'arrivée, on retombe sur notre très contemporain tapis de course, cette figure terminale du mythe progressiste : de grands bonds en avant qui, la plupart du temps, ne nous ont avancés à rien. -
Sex friends ; comment (bien) rater sa vie amoureuse à l'ère numérique
Richard Mèmeteau
- Zones
- 16 Mai 2019
- 9782355221385
Richard Mèmeteau propose une réflexion originale sur l'éthique sexuelle contemporaine. À rebours d'un idéal amoureux servant d'alibi aux frustrations ou d'une sexualité réduite à la pulsion animale, il pointe une autre possibilité : celle d'une amitié sexuelle, de relations intimes détachées de l'amour sans pour autant être impersonnelles.
Sites ou applications de rencontres représentent plus qu'un simple outil qui permettrait de chasser le prince charmant ou de jouer les don Juan. En hameçonnant les utilisateurs par la promesse d'une abondance sexuelle et amoureuse, ces interfaces nous confrontent à la réalité de nos propres frustrations. De ce désert sentimental que traverse toute une génération de célibataires émerge une nouvelle figure : le " sex friend ". Ni amoureux fou ni calculateur froid, le sex friend a compris que la sexualité déborde aussi bien les codes de la grande histoire d'amour que les lois d'un prétendu " marché de la drague ".
Au carrefour de la philosophie, des manuels de développement personnel, des séries et comédies romantiques, Richard Mèmeteau propose une réflexion originale sur l'éthique sexuelle contemporaine. La drague numérique invite en effet à une prise de conscience écologique plus large. Notre corps est pris dans un réseau de corps avec lesquels nous échangeons en toute inconscience jusqu'au premier contact avec la maladie. Nos fluides lient ensemble nos ex, nos plans cul, nos réguliers et nos véritables partenaires amoureux. C'est à l'échelle de ces écosystèmes sexuels qu'il faut penser une responsabilité et une confiance permettant de défaire l'imbrication du sexe et de la domination. -
La vérité en ruines ; manifeste pour une architecture forensique
Eyal Weizman
- Zones
- 18 Mars 2021
- 9782355221446
Comment, dans un paysage politique en ruines, reconstituer la vérité des faits? La réponse d'Eyal Weizman tient en une formule-programme: « l'architecture forensique ». Approche novatrice au carrefour de plusieurs disciplines, cette sorte d'architecture se soucie moins de construire des bâtiments que d'analyser des traces que porte le bâti afin de rétablir des vérités menacées. Impacts de balles, trous de missiles, ombres projetées sur les murs de corps annihilés par le souffle d'une explosion: l'architecture forensique consiste à faire parler ces indices.
Si elle mobilise à cette fin des techniques en partie héritées de la médecine légale et de la police scientifique, c'est en les retournant contre la violence d'État, ses dénis et ses « fake news ». Il s'agit donc d'une « contre-forensique » qui tente de se réapproprier les moyens de la preuve dans un contexte d'inégalité structurelle d'accès aux moyens de la manifestation de la vérité.
Au fil des pages, cet ouvrage illustré offre un panorama saisissant des champs d'application de cette démarche, depuis le cas des frappes de drone au Pakistan, en Afghanistan et à Gaza, jusqu'à celui de la prison secrète de Saidnaya en Syrie, en passant par le camp de Staro Sajmište, dans la région de Belgrade.
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Libérée, la sexualité des femmes d'aujourd'hui ? On serait tenté de croire que oui. Pourtant, plus de 50 % d'entre elles se disent insatisfaites, que ce soit à cause d'un manque de désir ou de difficultés à atteindre l'orgasme. Si tant de femmes ordinaires sont concernées, peut-être qu'elles n'ont rien d'anormal et que ce n'est pas à la pharmacie qu'il faut aller chercher la solution. Le remède dont elles ont besoin est plus certainement culturel, et passe par une réorientation de notre approche androcentrée du sexe et du plaisir.
Tour à tour reportage, essai et recueil de réflexions à la première personne, cet ouvrage enquête sur les dernières découvertes scientifiques ayant trait à l'orgasme féminin. On y apprend ainsi qu'une chercheuse en psychologie clinique a recours à la méditation de pleine conscience pour traiter les troubles à caractère sexuel. On y découvre aussi diverses façons dont les femmes choisissent de redéfinir leur sexualité. Cette aventure aux confins de la jouissance nous emmène jusqu'au festival Burning Man, où l'orgasme féminin est donné à voir sur scène, ou encore dans le cabinet feutré d'une thérapeute qui propose de soigner les traumatismes liés au viol à l'aide de massages sensuels. -
Une authentique sociologie du punk, écrite sur le vif à l'apogée du mouvement, en 1979, devenue depuis un livre culte, qui a notamment inspiré l'essayiste américain Greil Marcus.
Ce texte fondateur des cultural studies mêle écriture poétique, enquête de terrain et développements théoriques au service d'un projet atypique : une authentique sociologie du punk, écrite sur le vif, à l'apogée du mouvement, en 1979.
Appliquant aux sous-cultures des concepts issus de la linguistique, Hebdige décrit de façon novatrice les conflits sociaux comme des luttes pour l'appropriation et la réinterprétation de signes, dans ce qu'il appelle, à la suite d'Umberto Eco, une guérilla sémiotique . Musiques, vêtements, argots, rituels et coupes de cheveux forment des panoplies signifiantes. Toujours menacés de récupération marchande, ces styles apparaissent comme des instruments de confrontation et de résistance.
La jeunesse britannique des années 1970 fut le creuset du punk et du glam-rock - avec la figure de Bowie -, mais aussi d'une puissante sous-culture rasta importée en Angleterre par les migrants caribéens. Pour comprendre l'émergence du punk, il faut saisir l'importance de ces dialogues, par styles interposés, entre jeunesse britannique et immigrée : les sous-cultures se répondent entre elles dans un jeu complexe d'échanges, de déplacements et de citations. Avec une avance remarquable sur l'état du débat intellectuel en France, cet ouvrage essentiel fournit des outils conceptuels pour mieux comprendre la grande circulation des signes et des identités qui traverse les sous-cultures de jeunesse en situation postcoloniale. -
Le parti pris de ce livre collectif, qui rassemble les contributions de sociologues, de journalistes, mais aussi d'artistes et de militants syndicaux ou associatifs, procède du judo : prolonger le mouvement de l'adversaire afin de détourner sa force et la lui renvoyer en pleine face. Faire de la statistique, instrument du gouvernement des grands nombres, une arme critique. Essayer du moins, explorer cette possibilité. Militer avec des chiffres, ce serait faire du statactivisme.
Les statistiques nous gouvernent. Argument d'autorité au service des managers, elles mettent en nombres le réel et maquillent des choix qui sont, en fait, politiques. Le parti pris de ce livre, qui rassemble les contributions de sociologues, d'artistes et de militants, procède du judo : prolonger le mouvement de l'adversaire afin de détourner sa force et la lui renvoyer en pleine face, faire de la statistique une arme critique. L'histoire de cette forme de contestation dont Luc Boltanski indique qu'elle permet de formuler des " critiques réformistes " passe d'abord par un retour sur la longue controverse sur l'indice des prix en France, présentée par Alain Desrosières.
La deuxième partie du livre s'intéresse à la façon dont on ruse, individuellement et souvent secrètement, avec les règles. L'association Pénombre, composée de statisticiens critiques, y présente une fausse interview du brigadier Yvon Dérouillé, qui explique, face caméra, comment tripatouiller les statistiques de la délinquance. Mais les statistiques peuvent aussi servir à faire exister politiquement, en les rendant visibles, des catégories sociales discriminées. Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires, montre comment Victor Schoelcher, au XIXe siècle, mobilisait déjà des arguments quantitatifs pour la défense des droits des Noirs.
Une dernière stratégie statactiviste consiste à bâtir des indicateurs alternatifs, tels que le " BIP 40 ", qui met en rapport les bénéfices dégagés par l'envolée des cours boursiers et le creusement des inégalités sociales.
Ces quatre démarches sont illustrées, avec humour ou sérieux, en texte ou en image, par les contributeurs de cet ouvrage, pour qui " un autre nombre est possible " : ce qu'une logique hégémonique de quantification a instauré, une pratique statactiviste avertie peut chercher à le défaire. -
Notre monde est logistique. La pléthore d'acteurs qui consacrent leur énergie à acheminer les biens consommés de par le globe en témoigne : la circulation des marchandises est devenue un moteur essentiel du capitalisme mondialisé. Les pays les plus riches se constellent d'entrepôts qui prennent la place des usines abandonnées ; les pays les plus pauvres, eux, assurent la fabrication et le traitement des biens qui sillonnent la planète pour être achetés, consommés, mis au rebut.
Si c'est le monde industriel et marchand qui a donné à la rationalité logistique sa forme la plus aboutie, celle-ci s'étend aujourd'hui à l'ensemble de nos activités. Des politiques migratoires aux pratiques culturelles, de la conservation de l'environnement aux relations humaines, il n'existe plus guère de domaines de la vie qui ne soient soumis à la gestion des flux, ce principe fondamental d'intendance.
Il est grand temps de se demander comment le royaume logistique régit nos existences ; de montrer combien les conséquences de ses manquements sont dramatiques pour le vivant ; de raconter les multiples luttes qui lui font face. Et surtout, comme s'y emploie ce livre, il est urgent d'inventer d'autres imaginaires de la circulation et du transport, d'autres sujets collectifs pour un monde dans lequel les circulations ne seraient pas un instrument mortifère au service de la valeur marchande. -
Quatre garçons d'une vingtaine d'années, qui ont grandi entre les tours d'une cité de la grande banlieue parisienne ont participé pendant un an, avec leur éducateur Joseph Ponthus, à un atelier d'écriture. Plusieurs voix et différents types de textes s'entrecroisent - journal écrit au mitard, lettres au juge, récits de souvenirs d'enfance... Où l'on apprend que l'écriture, elle aussi, est un combat.
Quand quatre jeunes de banlieue se prennent d'écrire leur quotidien avec un de leurs éducateurs , ça envoie du lourd. Entre provocations policières, soirées à tchatcher dans les halls d'immeuble, jugements et appels, embrouilles à la con, boulots foireux, visites en prison, heures d'ennui et éclats de rire, c'est le quotidien d'un quartier populaire comme tant d'autres qui est raconté.
Le quotidien d'une France qui peut exploser à tout moment, qui ne veut pas être un exemple ni un modèle, qui témoigne de la vie, mais aussi de la mort. Un quotidien où l'on enrage plus souvent qu'à son tour, mais où l'on trouve encore la force d'en rire. Un quotidien où des professionnels se démènent pour sauver ce qui peut l'être encore. Où l'on se demande même, par moments, si l'on n'aurait pas plus intérêt à ce que tout pète. Un quotidien que les médias ignorent, que les jeunes taisent parce que trop criant d'être aussi banal que brutal. Un quotidien où la solidarité est à l'oeuvre, où les choses se vivent et s'éprouvent plus qu'elles ne se disent - sauf quand on se décide à prendre son stylo et à écrire, entre rires et larmes, la cité.
Car c'est sans doute des mots que viendront les solutions. La découverte de l'écriture et du pouvoir de ces foutus mots. Face à des flics. Face à des juges. Face à soi-même. -
Un soir de mai 1975, le philosophe Michel Foucault contempla Vénus s'élever dans le ciel étoilé au-dessus du désert des Mojaves, dans la vallée de la Mort, en Californie. Quelques heures auparavant, il avait ingéré une dose de LSD offerte par les jeunes hôtes américains qui avaient organisé pour lui un road trip hors du commun. Ce fut une nuit d'hallucination et d'extase, qu'il décrira comme l'une des « expériences les plus importantes de [sa] vie », ayant bouleversé son existence et son oeuvre.
Cet épisode, rapporté par certains biographes, a longtemps été sujet à caution, considéré comme tenant davantage de la légende que de la réalité. C'était avant que ne soit redécouverte une archive étonnante : le récit détaillé de cette aventure, consigné à l'époque par Simeon Wade, le jeune universitaire californien qui avait entraîné l'auteur de l'Histoire de la folie dans cette expérience psychédélique.
Demeuré inédit pendant plus de quarante ans, ce document original, mêlant anecdotes et dialogues, peut aussi être lu comme un texte littéraire, la chronique d'une excursion où se noue une amitié et d'où resurgit l'esprit d'une période. L'auteur de l'Histoire de la folie dans cette expérience psychédélique. Demeuré inédit pendant plus de quarante ans, ce document original, mêlant anecdotes et dialogues, peut aussi être lu comme un texte littéraire, la chronique d'une excursion où se noue une amitié et d'où resurgit l'esprit d'une période.
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James Baldwin a écrit cette pièce en 1964 en réaction à l'assassinat de son ami Medgar Evers, militant des droits civiques, abattu devant son domicile du Mississippi le 12 juin 1963 par un suprémaciste blanc.
L'accumulation des meurtres racistes aux États-Unis (dont celui de quatre jeunes filles noires dans un attentat à la bombe contre une église baptiste de Birmingham, Alabama, le 15 septembre 1963) constitue l'arrière-plan de ce cri de révolte scénique. La quasi-impunité qui suit ces actes sera l'élément déclencheur de ce travail.
C'est aussi le meurtre atroce en 1955 de l'adolescent Emmett Till qu'il décide d'évoquer : " Dans ma pièce, écrit-il, il est question d'un jeune homme qui est mort ; tout, en fait, tourne autour de ce mort. Toute l'action de la pièce s'articule autour de la volonté de découvrir comment cette mort est survenue et qui, véritablement, à part l'homme qui a physiquement commis l'acte, est responsable de sa mort. L'action de la pièce implique l'effroyable découverte que personne n'est innocent [...]. Tous y ont participé, comme nous tous y participons. " -
À en croire Michel Foucault, le XXe siècle aurait introduit une seule innovation dans le répertoire des pratiques sexuelles : le fist fucking. Cette confidence privée, reprise par nombre d'intellectuels, est rapidement devenue une doxa. Professeur de philosophie, romancier, critique, l'auteur de ce livre singulier a écumé les bibliothèques, est allé à la rencontre des pionniers de cette pratique, est devenu familier de ses adeptes et n'a pas craint, le cas échéant, de leur prêter la main.
Le XXe siècle aurait inscrit une seule innovation au répertoire des pratiques sexuelles : le fist fucking. Fallait-il en rester à cette doxa popularisée par nombre d'intellectuels et de chercheurs ? Combinant érudition historique, réflexions théoriques, récits à la première personne, quasi-poèmes en prose, Fist peut se lire au choix comme une apostille à Histoire de la sexualité de Michel Foucault ou comme un roman queer.
La singulière généalogie érotique qu'il nous propose s'ouvre sur des photographies de Robert Mapplethorpe et se clôt par une relecture du Cantique des cantiques. Entretemps, on aura visité Les Catacombes, mythique club privé du San Francisco des années 1970 ; relu Koltès, Sade, Homère, Ovide, Ronsard et Henry James ; croisé Amerifist, acteur star de ce sous-genre du cinéma porno ; compulsé des traités de médecine du XIXe siècle pour y découvrir d'étranges prescriptions ; passé des petites annonces sur des sites spécialisés ; fait quelques rencontres et pris rendez-vous chez un proctologue...
Réduire le fist fucking à la violence du " poing " est un contresens. Le plaisir civilise la main pour mieux réinvestir les puissances imaginaires du corps, dans une union improbable qui pourrait bien aussi s'appeler " amour ". -
La manufacture du meurtre ; vie et oeuvre de H. H. Holmes, premier serial killer américain
Alexandra Midal
- Zones
- 18 Octobre 2018
- 9782355221323
À travers le cas proprement fascinant d'Henry Howard Holmes, architecte d'une maison à tuer grâce à laquelle il commettra plusieurs dizaines de meurtres, Alexandra Midal nous invite à réfléchir sur l'émergence quasi simultanée de la révolution industrielle et de la figure du serial killer.
En 1896, à l'âge de 35 ans, Henry Howard Holmes, de son vrai nom Herman Webster Mudget, le premier tueur en série des États-Unis, avoue des dizaines de crimes. Pour mener tranquillement ses activités, il a édifié à Chicago, à quelques encablures des abattoirs les plus sophistiqués du monde, une bâtisse si vaste que ses voisins l'ont appelée le Château. Létal, pratique et confortable, l'immeuble est doté des innovations les plus récentes. Chef-d'oeuvre rationnel et mécanique cosy du crime en pantoufles, le projet de Holmes, designer de l'extrême, s'inscrit à merveille dans le projet fonctionnaliste des modernes.
Cette enquête interroge l'émergence quasi simultanée de la révolution industrielle et de la figure du serial killer. Loin d'être une coïncidence, elle annonce la rationalité de nouveaux modes de production dont la chaîne de montage et le meurtre sériel sont deux émanations. Le cas Holmes, anti-héros de l'histoire moderne, permet de mieux saisir le tournant que cette révolution économique, mécanique et culturelle a opéré dans le traitement du vivant.
On trouvera, en annexe de cet essai, la première traduction française des Confessions du tueur, publiées juste avant son exécution, en avril 1896. -
Il était une fois sur cent : rêveries fragmentaires sur l'emprise statistique
Yves Pagès
- Zones
- 6 Mai 2021
- 9782355221705
Des années durant, l'écrivain Yves Pagès a glané toutes sortes de statistiques, notant dans un carnet des centaines de pourcentages. De ce vertigineux inventaire, il a fait un livre étrange qui, entre jeu littéraire à la Raymond Queneau et réflexions philosophiques à la Theodor Adorno, reconstitue par fragments le tableau d'une société infestée par une vision comptable du monde. Difficile de rompre la glace du monstre statistique, d'échapper à ses ordres de grandeur qui prétendent tout recenser de nos faits et gestes, quantifier nos opinions, mettre en coupe réglée nos vies matérielles. Sous emprise comptable, chacun se sent casé d'office, sondé de bas en haut, pris au piège. Mais alors, comment nous soustraire au grand dénombrement ? Sans prétention d'exhaustivité, l'auteur se propose de passer ces données brutes au tamis de rêveries interprétatives, pour traquer leurs failles implicites ou les confronter à d'autres cas de figure.
À la logique de la quantification de toutes choses, il oppose, par collage, accumulation et divagation, une poétique de l'absurde.
Par-delà cet art du détournement stylistique, il nous livre en pointillé une analyse caustique de la condition des vivants à l'ère de la gouvernance par les nombres, agrémentée de quelques suggestions paradoxales pour passer entre les mailles du filet statistique. -
Bouffées de chaleur : briser le tabou de la ménopause
Miriam Stein
- Zones
- 12 Octobre 2023
- 9782355222108
La ménopause est l'un des ultimes tabous dans la vie des femmes. Atteinte des premiers symptômes de la périménopause à 44 ans, la journaliste Miriam Stein s'est trouvée désemparée face à ce bouleversement, avant de prendre le problème à bras-le-corps.
Elle nous livre en son propre nom, avec naturel, humour et une belle sensibilité, un récit intime qui s'enrichit de nombreux éclairages tirés d'ouvrages littéraires, d'études scienti?ques et de penseuses féministes, dont Simone de Beauvoir et Gloria Steinem.
Au-delà de son expérience personnelle, elle s'attaque aux clichés dont la ménopause est affublée, en nous donnant des repères médicaux sur le phénomène, en analysant sa signi?cation culturelle et en mettant en lumière les stratégies employées par les femmes pour mieux passer le cap, se sentir bien dans leur peau et reprendre le pouvoir sur leur vie.
Plaidant pour une émancipation et une affirmation féminines à tous les âges de la vie, Miriam Stein cherche, contre la relégation qui les frappe, à changer le regard que la société porte sur les femmes mûres . Car vieillir peut aussi signi?er un nouveau départ, une nouvelle liberté. -
Sur un mode subjectif et partisan, dans la veine d'un Lester Bangs, le récit de l'aventure punk rock née il y a près de 25 ans du cri de colère et de ralliement lancé par une poignée de jeunes féministes nord-américaine underground : Revolution, Grrrl Style, Now ! Le mouvement des riot grrrls -les émeutières - était né. Des groupes de femmes, dont le légendaire Bikini Kill, partaient à l'assaut, bien décidées à rendre le punk plus féministe, et le féminisme plus punk .
Au début des années 1990, de jeunes féministes nord-américaines lançaient du fond de leurs tripes un cri de colère et de ralliement dans le milieu punk underground : Revolution, Grrrl Style, Now ! La culture riot grrrl - littéralement, les émeutières - était en train de naître. Des groupes comme Bikini Kill ou Bratmobile partaient à l'assaut de la production musicale, décidés à rendre le punk plus féministe et le féminisme plus punk .
Leur offensive fut une secousse incroyablement positive pour toute une génération assommée par la culture mainstream. Car les riot grrrls ont été bien davantage qu'un simple courant musical : appliquant les principes du Do-It-Yourself, elles ont construit une véritable culture alternative, dont la force de frappe tient en une proposition que suivront des milliers de jeunes femmes : celle d'oser devenir qui elles sont et de résister corps et âme à la mort psychique dans une société capitaliste et patriarcale.
Manon Labry retrace l'histoire de cette révolution politique et culturelle. Elle déploie une écriture punk bien frappée qui entremêle paroles de chansons, témoignages, réflexions personnelles, extraits de fanzines et illustrations pour faire la chronique d'une génération. -
Ce qui fait une vie ; essai sur la violence, la guerre et le deuil
Judith Butler
- Zones
- 12 Mai 2010
- 9782355220289
Une analyse philosophique d'une décennies de guerres américaines et de leur profonde influence sur notre appréhension et notre perception de la violence, des coprs, du concept même de vie humaine.
Alors que la page Bush a été tournée aux États-Unis, la décennie qui s'achève restera comme celle des nouvelles guerres américaines. Judith Butler choisit de revenir sur cette période décisive en l'analysant d'un point de vue philosophique. Sa thèse est que les guerres en Afghanistan et en Irak ont profondément changé non seulement l'état géopolitique du monde mais aussi et peut-être surtout les cadres perceptifs dont nous disposons pour l'appréhender, le saisir ou le comprendre. Croisant perspectives psychanalytique et philosophique, elle interroge la rhétorique déshumanisante de la guerre contemporaine et se demande dans quelles conditions certains sentiments et dispositions morales peuvent à présent être éprouvés. À l'ère de la guerre télévisée, les vies des nouveaux damnés de la terre nous sont présentées comme en quelque sorte déjà perdues, dispensables, des vies dont le deuil n'a pas droit de cité. -
Comment bifurquer : Les principes de la planification écologique
Cédric Durand, Razmig Keucheyan
- Zones
- 14 Mars 2024
- 9782355221910
Après des décennies de fantasmes néolibéraux sur les vertus régulatrices du marché, les gouvernants reparlent aujourd'hui de " planification " face à l'urgence climatique. Au-delà des affichages, en quoi consisterait une authentique planification écologique ?
Ce livre propose de revenir sur l'histoire de cette notion au XXe siècle, entre économies de guerre et expériences socialistes, de revisiter les débats classiques ayant opposé les adeptes du " signal prix " et ceux du " calcul en nature ", mais aussi de montrer en quoi la situation actuelle est porteuse de possibilités de planification nouvelles. Le déploiement maîtrisé des outils numériques, des techniques comptables novatrices et l'approfondissement des institutions de la délibération collective peuvent donner lieu à un gouvernement
de la production par les besoins. Tant qu'ils resteront pris dans le carcan du " libre marché ", les écogestes des consommateurs se révéleront impuissants. Ce sont les structures économiques qu'il s'agit de transformer pour réduire l'impact écologique des activités humaines.
Face à ce défi, cet ouvrage tente de poser les piliers d'un programme de planification écologique fondé sur la décroissance dans l'exploitation de la nature, sur la justice environnementale et sur la démocratie économique. -
Les besoins artificiels ; comment sortir du consumérisme
Razmig Keucheyan
- Zones
- 19 Septembre 2019
- 9782355221262
Le capitalisme engendrant des besoins artificiels toujours nouveaux, mettre un terme à la voracité consumériste implique de définir et de s'appuyer sur des besoins " authentiques " et reconnus de tous. Le nouveau livre de Razmig Keucheyan suit cette ligne critique en recherche d'une véritable politique de l'émancipation.
Le capitalisme engendre des besoins artificiels toujours nouveaux. Celui de s'acheter le dernier iPhone, par exemple, ou de se rendre en avion dans la ville d'à côté. Ces besoins sont non seulement aliénants pour la personne, mais ils sont écologiquement néfastes. Leur prolifération sous-tend le consumérisme, qui lui-même aggrave l'épuisement des ressources naturelles et les pollutions.
À l'âge d'Amazon, le consumérisme atteint son " stade suprême ". Ce livre soulève une question simple : comment couper court à cette prolifération de besoins artificiels ? Comment sortir par là même du consumérisme capitaliste ? La réflexion s'appuie sur des chapitres thématiques, consacrés à la pollution lumineuse, à la psychiatrie de la consommation compulsive ou à la garantie des marchandises, pour élaborer une théorie critique du consumérisme. Elle fait des besoins " authentiques " collectivement définis, en rupture avec les besoins artificiels, le coeur d'une politique de l'émancipation au XXIe siècle.
Chemin faisant, le livre évoque la théorie des besoins de Karl Marx, André Gorz et Agnes Heller. Pour ces auteurs, les besoins " authentiques " ont un potentiel révolutionnaire. Comme disait Marx, " une révolution radicale ne peut être que la révolution des besoins radicaux ". -
Éloge du bug : Être libre à l'époque du numérique
Marcello Vitali-Rosati
- Zones
- 7 Mai 2024
- 9782355222238
" Ça marche, c'est tout ", nous dit la publicité pour un smartphone. C'est simple, c'est intuitif. Il n'y a pas à se poser de questions. Le passage au numérique tel que nous le vivons aujourd'hui correspond largement à une délégation généralisée des choix politiques, éthiques, culturels et sociaux à des opérateurs privés qui ont su rapidement proposer des " solutions fonctionnelles " pour à peu près tout.
Dans cet essai provocateur, le philosophe Marcello Vitali-Rosati prend le contre-pied de cet " impératif fonctionnel " au coeur de la vision du monde dans laquelle les GAFAM nous enferment.
Il propose au contraire de réfléchir à partir de ce qui heurte le flux bien huilé des rhétoriques de l'immatérialité, de la simplicité, de l'intuitivité et du bon fonctionnement : le bug. En anglais, ce mot signifie " insecte ", mais aussi " spectre ". En court-circuitant la machine qu'il habite et qu'il hante, le bug nous pousse à ouvrir la boîte noire.
C'est aussi ce à quoi ce livre nous invite. Au lieu de nous laisser séduire par un discours qui, nous promettant de nous délivrer de toutes les tâches matérielles, finit par nous asservir à une poignée de plateformes, nous pouvons cultiver une connaissance critique des technologies à même de nous libérer de cette emprise. -
Pensées décoloniales : une introduction aux théories critiques d'Amérique latine
Philippe Colin, Lissell Quiroz
- Zones
- 9 Mars 2023
- 9782355221538
La théorie décoloniale constitue l'un des discours phares de notre temps. Loin des imprécisions dont elle fait souvent l'objet, cet ouvrage, première synthèse en français sur son origine latino-américaine, offre une généalogie et une cartographie d'un continent de pensée méconnu en Europe. Mêlant récits historiques, portraits de théoriciens (dont Gloria Anzaldúa, Arturo Escobar ou Anibal Quijano), extraits d'oeuvres non encore traduites, explications de concepts clés, ce livre offre une introduction claire, informée et stimulante des apports d'un des courants les plus féconds de la théorie critique contemporaine.
La conquête de l'Amérique, scène inaugurale de la modernité capitaliste, fut aussi l'acte de naissance de nouveaux rapports coloniaux de domination qui ont modelé une hiérarchie planétaire des peuples selon des critères raciaux, sexuels, épistémiques, spirituels, linguistiques et esthétiques. Or cette colonialité du pouvoir n'a pas été enterrée par les décolonisations. Si l'on veut en sortir, il faut (re)connaître les expériences vécues par celles et ceux qui ont résisté à l'imposition de ces régimes, les savoirs produits par les sujets marqués par la blessure coloniale, et tenter de discerner, dans ces fragiles " nouveaux mondes ", l'horizon d'un dépassement de la colonialité.